
Fusion de sociétés et appel pénal : la société absorbante peut contester aussi la condamnation de l’absorbée
Dans le cadre d’une fusion entre deux sociétés condamnées pénalement, la Cour de cassation a récemment rappelé un principe important : l’appel formé par la société absorbante couvre aussi la condamnation de la société absorbée, sauf si l’acte d’appel précise expressément le contraire.
Dans l’affaire jugée le 7 avril 1976 et reprise récemment, deux sociétés avaient été condamnées à la suite d’un accident du travail, notamment pour des infractions à la réglementation sur l’hygiène et la sécurité. Peu après cette décision, elles fusionnent, l’une absorbant l’autre. Dès le lendemain, un appel est formé au nom des deux entités.
La cour d’appel considère toutefois que l’appel de la société absorbée est irrecevable, rendant sa condamnation définitive. Elle estime que la société absorbante ne pouvait pas remettre en cause cette décision. La Cour de cassation casse ce raisonnement : en l’absence de mention restrictive dans l’acte d’appel, l’appel de la société absorbante s’étend à la condamnation de l’absorbée.
Conséquences pratiques et pénales
Ce raisonnement s’inscrit dans la continuité d’une évolution jurisprudentielle amorcée par un revirement opéré en 2020. Depuis cette date, la société absorbante peut se voir infliger une peine pour des faits commis par la société absorbée avant la fusion, y compris une amende ou une confiscation. Cette solution, initialement réservée aux sociétés par actions, a été étendue aux fusions de SARL par une décision du 22 mai 2024.
Dans l’affaire récente, la Cour de cassation précise également que, si une peine devait être prononcée à l’encontre de la société absorbante, elle devra être motivée en tenant compte des éléments suivants :
- les circonstances de l’infraction,
- la personnalité et la situation des sociétés avant et après la fusion,
- les ressources et les charges de la société absorbante au moment de la décision.
Cela signifie qu’en matière d’amende, seules les capacités financières de la société absorbante doivent être prises en compte, même pour des faits commis antérieurement par la société absorbée.
Une clarification bienvenue en droit pénal des affaires
Cette décision de la chambre criminelle apporte une précision utile sur les effets procéduraux de la fusion en cours d’instance. En reprenant une jurisprudence constante sur l'étendue de l'appel pénal, la Cour l’applique à une situation particulière, celle où les deux sociétés fusionnent après une condamnation commune en première instance.
Elle confirme aussi que la disparition juridique de la société absorbée n’empêche pas l’exercice de voies de recours sur ses condamnations, dès lors que la société absorbante poursuit la procédure sans les limiter expressément.