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Présomption de démission : les juges précisent enfin les contours d’un dispositif controversé

Travail et social - Travail et social
03/06/2025

Depuis l’entrée en vigueur du dispositif de présomption de démission prévu à l’article L. 1237-1-1 du Code du travail, les premières décisions de justice permettent de mieux cerner les conditions de sa mise en œuvre. Introduit par la loi du 21 décembre 2022, ce mécanisme offre à l’employeur une alternative au licenciement en cas d’abandon de poste volontaire du salarié.

Un mécanisme encadré mais encore flou

Applicable depuis avril 2023, le dispositif repose sur trois conditions cumulatives : un abandon volontaire sans motif légitime, une mise en demeure par courrier (avec un délai d’au moins 15 jours calendaires), et l’absence de reprise du travail. Le salarié peut néanmoins contester cette présomption devant le conseil de prud’hommes, qui doit apprécier l’éventuel motif légitime invoqué.

La jurisprudence antérieure refusait toute présomption de démission sans volonté claire et non équivoque. La réforme vient donc rompre avec cette approche, sans supprimer les droits à contestation.

Des contentieux révélateurs des exigences du juge

Trois décisions récentes illustrent les critères retenus par les juridictions du fond :

  • Le conseil de prud’hommes de Paris a écarté l’absence de visite médicale de reprise comme motif légitime, considérant que le salarié n’avait pas informé l’employeur de sa volonté de reprendre le travail ni justifié son absence. Ce jugement rappelle que l’employeur, laissé sans nouvelles, n’a pas à deviner l’intention du salarié.
  • À Lys-lez-Lannoy, les juges ont rejeté l’argument d’un manquement conventionnel non caractérisé. Le refus de nouvelles fonctions après un congé sans solde n’a pas été reconnu comme motif légitime dès lors que l’obligation de l’employeur n’était pas formellement établie.
  • Le conseil de prud’hommes de Lyon, à l’inverse, a admis comme motif légitime le refus d’une nouvelle affectation impliquant une modification du contrat de travail. Le juge a considéré que l’ambiguïté entretenue par l’employeur empêchait le salarié de donner un consentement éclairé.

Des précautions renforcées pour les salariés protégés

Dans une décision importante du 6 mars 2025, la cour d’appel de Paris a jugé que la saisine préalable de l’inspection du travail est obligatoire avant d’appliquer la présomption de démission à un salarié protégé. En l’espèce, l’employeur avait ignoré cette exigence, conduisant à la nullité de la rupture et à la réintégration du salarié.

La cour souligne que la procédure implique une intervention de l’employeur, ce qui la distingue d’une démission classique. En cas de doute sur la légitimité d’une absence ou du statut du salarié, l’autorisation administrative est donc indispensable.

Conclusion. Ces premières décisions montrent que la mise en œuvre du dispositif reste encadrée par des exigences procédurales strictes. Du côté du salarié, il est impératif de répondre clairement à la mise en demeure et de justifier son absence dès que possible. Côté employeur, la prudence reste de mise : il convient de respecter scrupuleusement le formalisme prévu, surtout en présence de situations sensibles (salariés protégés, motifs potentiellement légitimes). À défaut, la rupture du contrat de travail pourra être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec les conséquences financières qui en découlent.